- RIA NOVOSTI: Ma première question c’est sur la Libye. Alors comme on le connaît le Congo préside le comité de haut niveau pour résoudre la crise de l’Union africaine pour résoudre la crise en Libye. Auparavant il était décidé d’avoir une réunion en Libye avant la catastrophe qui a eu lieu. Alors où est-ce qu’on est maintenant ? Quelles sont les étapes que vous prévoyez prendre ? Et est-ce qu’il y aura une réunion prochainement ?
PR DSN: Je devrais sans doute commencer par dire que de manière générale la médiation est une oeuvre qui exige beaucoup de patience, beaucoup d’équité, beaucoup de pendération mais en tout cas beaucoup de patience. Et en matière de médiation, il vaut mieux avoir tous les protagonistes, toutes les parties prenantes autour de la table. Sinon c’est un travail voué à l’échec. Si les parties prenantes ne sont pas toutes présentes, on peut penser que le travail voue à l’échec. Pour ce qui est de la Libye, du chemin a été fait. Nous avons réussi à réunir à Brazzaville des Libyens qui depuis 2011, depuis la chute du président Kadhafi, n’étaient plus jamais rencontrés et pour la première fois à Brazzaville se sont serrés la main. Ils ont même fraternisé. Et ce processus, nous l’avons poursuivi sous le territoire même de la Libye dans des localités comme Zintan, Zouhara, Benghazi. Nous avons sillonné beaucoup de villes intérieures de la Libye, la délégation de l’Union africaine, pour amener les uns à parler aux autres, pour amener les uns à pardonner aux autres. C’est ça la réconciliation. Nous leur avons fait comprendre que la Libye ne peut pas faire l’économie de la réconciliation. La réconciliation à la limite devrait baliser le chemin qui va mener aux élections parce que la réconciliation c’est l’apaisement, c’est le pardon. Alors il se trouve que une partie des protagonistes, les partisans du jeune Seif al-Islam, avaient posé un problème qui ne manque pas de pertinence. Ils avaient souhaité que les prisonniers politiques de l’ancien régime soient libérés avant d’aller à cette conférence de réconciliation. Il s’agit notamment de M. Abdoulassin aussi qui était le patron des services de renseignement à l’époque du président Kadhafi, qui est dans une prison à Tripoli, qui est fatiguée, qui est malade, qui est d’un âge respectable déjà, mais qui est surtout malade. Donc ça devient un cas humanitaire. Le président Sassou nous a demandé de lever un peu le pied, le temps de voir avec les uns les autres comment obtenir la libération de Abdoulassin aussi. Et je suis allé en Turquie porter ce message. J’ai été reçu par mon homologue Hakan Farhan, si j’ai bonne mémoire, le nouveau ministre turc des Affaires étrangères, à qui j’ai expliqué ce problème, qui a bien compris, qui a fait la promesse d’agir dans ce sens. Donc dès que cet obstacle sera levé, nous allons relancer le processus, nous comptons le faire au mois d’août, pour aller à cette conférence de réconciliation qui, du point de vue de l’Union africaine, est indispensable et doit être quasiment impréalable aux élections générales. Donc voilà pour ce qui est de la Libye.
RIA NOVOSTI : Excellence, Alors il y a beaucoup de personnes maintenant qui parlent que la Libye doit avoir un gouvernement uni.
PR DSN: Oui.
RIA NOVOSTI : Alors qu’est-ce que l’Union africaine pense là-dessus? Est-ce que vous travaillez à appliquer cette idée-là?
PR DSN: Voilà, c’est une idée que nous… Cette idée apportée par la Ligue arabe, nous pensons exactement la même chose. Nous pensons même que même après les élections, celui qui aura gagné ne pourra pas gouverner seul. Il sera obligé de faire appel à ceux qui n’auront pas gagné l’élection pour constituer un gouvernement d’Union nationale. Parce qu’à l’étape où se trouve la Libye, elle a besoin de la contribution de tous les enfants du pays, de toutes les tendances, de toute la couche politique et sociale pour sortir de la situation dans laquelle elle se trouve. Donc nous appuyons cette idée d’un gouvernement d’unité nationale et nous ne voyons pas comment on pourrait faire autrement.
D’accord, merci.
RIA NOVOSTI: Alors, excellence. Hier, le Congo a signé avec Rosatom un accord. Je pensais pour la construction de petit central hydroélectrique de capacité totale de 500 megawatts. Alors, pourriez-vous nous dire pourquoi le Congo est retourné vers la Russie pour réaliser ces projets-là ? Et quand est-ce que les constructions vont commencer ?
PR DSN: C’est-à-dire, vous parlez du pourquoi le Congo se tourne vers la Russie. Le Congo et la Russie viennent de célébrer au plus haut niveau, ça se passait au Kremlin, les 60 ans de leur relation diplomatique. Ce sont de vieux partenaires en diplomatie, en politique, mais aussi dans la coopération économique. L’un des problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés en République du Congo de manière particulière, mais de manière générale, surtout le continent, c’est le déficit en énergie. Vraiment, le grave déficit en énergie est un handicap sur la voie du développement des pays africains. Et donc nous nous avons pris langue avec Rosatom, qui est une méga société en Russie dans la production de l’énergie nucléaire bien sûr, mais aussi dans la construction des barrages hydroélectriques, notamment des micro-barrages. Et nous sommes un pays parsemé de cours d’eau, nous avons un potentiel immense en ce domaine et donc nous avons pensé qu’on pouvait coopérer dans ce secteur des micro-barrages. Et nous avons pris langue lors de notre passage à Moscou et Saint-Pétersbourg avec Rosatom. Et nous sommes confiants parce que c’est une société solide, en plus appartenant à un pays ami du Congo. Et les discussions ont eu lieu au plus haut niveau.
RIA NOVOSTI : Est-ce que peut-être le Congo envisage exporter l’électricité au pays voisin après ?
PR DSN : On n’en est pas encore là parce que nous-mêmes avons de grands besoins qui ne sont pas satisfaits, mais cela peut arriver effectivement parce qu’en dehors des micro-barrages, vous savez que le Congo, c’est aussi le fleuve Congo que nous avons en partage avec la République démocratique du Congo et l’Angola. Il n’y a pas que le barrage d’Inga comme perspective, il y a d’autres sites où nous pouvons construire un barrage avec une grande capacité. En ce moment-là, oui, on peut envisager d’exporter de l’énergie vers des pays voisins, peut-être même au-delà de notre sous-région, parce que rien que le barrage d’Inga, le barrage d’Inga, il est à l’intérieur du territoire de la République démocratique du Congo. Mais nous avons d’autres sites qui servent de frontières entre les deux Congos. Mais rien que l’Inga, vous le savez, si ce site est valorisé avec tout son potentiel, peut alimenter l’ensemble du continent africain. Un peu comme le barrage des Trois Gorges en Chine, parce que n’oubliez pas que le fleuve Congo est par son débit le deuxième fleuve au monde après l’Amazon. Donc il y a une bonne perspective de produire l’électricité en abondance dans les prochaines années en Afrique. Et vous savez que c’est la condition sinéquanone pour l’implantation des entreprises, notamment étrangères.
RIA NOVOSTI : Excellence, cette année, c’est l’année de l’éducation, le thème de l’Union africaine. Il y a beaucoup d’appels à une reconstruction de méthodes d’apprentissage en Afrique. Et la Russie, les universités de la Russie maintenant travaillent activement avec les universités africaines. Ils concluent des accords pour des échanges. Alors comment vous voyez cette participation de la Russie, sachant que vous-même, vous avez étudié l’Union soviétique à l’époque. Alors comment la Russie pourrait aider l’Afrique dans ce domaine-là?
PR DSN: Vous me donnez là l’occasion d’exprimer une fois encore toute ma reconnaissance à la grande nation qui est la Russie pour avoir très fortement contribué à la formation des élites africaines depuis les années 60, 70, 80 avant l’écroulement de l’Union soviétique. Des milliers de cadres, comme vous le rappelez, ont été formés dans votre pays. Merci infiniment. Oui, l’éducation, peut-être la base de tout. Le drame de certains pays africains c’est que les universités sont aujourd’hui obsolètes dans leur programme. Il y a des universités dans beaucoup trop de pays, des universités sont restées accrochées un peu au schéma français des années 50, 60 où l’on privilégé des filières comme sociologie, psychologie. Je ne dis pas qu’on n’a pas besoin de sociologue dans la société, loin s’en faut. Mais force est de constater qu’aujourd’hui les besoins du développement devraient faire compte de la priorité à des secteurs comme l’électricité, dont nous parlons tout à l’heure, le bâtiment, l’ingénierie, les nouvelles technologies de la communication. C’est ça en fait, la nouvelle orientation que doivent prendre les universités africaines et certains ont déjà commencé à le faire. Donc c’est très important, l’éducation c’est la base de tout. Dans certains pays vous savez que c’est même le quart du budget de la nation, l’éducation. Et j’espère que ce ne sera pas seulement un slogan pour les pays de l’Union africaine, que ce soit vraiment un engagement intelligent mais vraiment résolu à répandre les lumières de l’intelligence et à répandre l’éducation dans tous les territoires africains parce que c’est ça le challenge à relever demain, que les africains soient bien formés, que la jeunesse soit bien formée pour relever les défis à venir et pour prétendre à la puissance économique dont nous avons grand besoin parce que l’Afrique a besoin de forger d’abord par elle-même mais aussi en relation avec les pays amis, les pays partenaires, la puissance économique. Elle est indispensable pour être un partenaire viable pour la Chine, pour la Russie, pour l’Union européenne, pour les États-Unis d’Amérique, pour l’Amérique latine, pour les pays asiatiques etc. Elle a besoin de forger la puissance économique. Tout ce qu’il faut pour cela, le défi c’est précisément les cadres bien formés, bien éduqués, remplis aux nouvelles exigences du développement. Donc vraiment cette année qui a été proclamée année de l’éducation avait tout son sens et voilà donc je crois que ça s’inscrit dans l’avenir du continent. Et pour le rôle de la Russie dans tout ça ? La Russie vous savez est une grande nation. La Russie elle est la bienvenue en Afrique. La Russie a donné la preuve qu’elle avait de très bonnes universités. Rien que dans mon pays, le mois est à issable, je ne peux pas parler de mois, mais le ministre de la Santé a été formé en Russie. Le ministre de la Défense a été formé en Russie. Le chef d’état major spécial du président de la République a été formé en Russie. Et ils sont nombreux et nombreux et très nombreux des cadres qui ont été formés en Russie. La Russie n’a même plus à faire la démonstration de sa capacité à encadrer des jeunes gens, à contribuer à l’implantation d’universités de bonne qualité en Afrique.
RIA NOVOSTI : Alors Excellence, on sait que l’Union africaine va participer au prochain sommet des G20 comme membre pour la première fois, pas comme observateur. Alors quelle est votre lecture de cela ? Comment ça contribue à faire la voie de l’Afrique entendue ? Et alors on parle aussi de la reconstruction du système du Conseil des Nations unies, Conseil de sécurité. Alors qu’en dites-vous de tout cela ?
PR DSN : Bon en fait c’est une évolution lente mais irréversible. La reconnaissance de ce que représentent les peuples africains, ce n’était pas évident. Vous savez en fait le drame de l’humanité c’était l’ignorance des uns par les autres. Faute de connaissances pendant des siècles. L’on a considéré que ceux-là n’avaient pas de cerveau, ceux-là n’avaient pas d’âme et au 20e siècle grâce au progrès de la science, de la médecine, on s’est rendu compte que finalement on est tous pétrides, la même argile, on n’est qu’une seule race humaine et tout cela découle des attitudes actuelles qui consistent à associer l’Afrique à tous les sénacles, à tous les forums où l’on décide des affaires du monde. C’est le cas du G20 et nous avons applaudi et nous sommes reconnaissants à tous les pays qui ont contribué à mener l’Afrique au G20 pour que cette partie du monde est aussi voie au chapitre, puisse s’exprimer dans sa singularité. Pour ce qui est de la réforme du conseil de sécurité des Nations unies c’est exactement la même chose. Déjà le conseil, la plupart des questions près de 60% des problèmes de sécurité concernent le continent africain. Près de 60% sauf si ma mémoire me trahit, des questions de paix et de sécurité concernent le continent africain. Donc on ne peut pas continuer à débattre ces questions, à voir ces questions à l’ordre du jour des Nations unies en l’absence d’un représentant ou de représentants de ce continent lui-même. C’est l’un des arguments mais de manière générale c’est la même philosophie qui consiste à voir que le monde a changé, de nouveaux acteurs sont apparus sur la scène, le monde de 2024 ce n’est plus le monde de 2044 ou 45 tout a changé et il faut tenir compte de cette réalité. En plus au delà de tout pour nous qui sommes des humanistes cette approche va dans le sens de la fraternité humaine. La fraternité humaine, je ne sais pas s’il y a une valeur au dessus de la fraternité humaine.
RIA NOVOSTI : Merci, merci beaucoup.
Propos recueillis par RIA NOVOSTI.
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