« Souvenirs des années de guerre » est une collection de dix récits traversés par trois périodes. Il s’agit des guerres de 1993, 1997, 1998 dont les Congolais ont payé un lourd tribut. Paru en 2009 et fabriqué à la main par Carnets-livres, l’auteur, Dieudonné Niangouna qui est réputé pour son franc parlé, nous embarque dans un récit à un autre, à la rencontre de drôles de personnages mais surtout à prendre conscience et ne plus tomber dans les mêmes travers.
La couverture est soigneusement recouverte d’un pagne vert (couleur de l’espérance sinon de la richesse) avec des motifs en noir (qui représente le deuil), sur laquelle est agrafée une photo et une note de l’auteur. C’est du Dieudonné tout craché ! « Souvenirs de guerre » ressemble à un petit coffret où l’on retrouve dix magnifiques textes écrits avec frénésie et où les mots résonnent comme des ombres. « Et à tous ces morts qui cherchent à quel endroit la balle s’est mise à traquer la vie, et comment tenir malgré qu’on reste mort, quel langage fabriqué avec ce corps. Et tous ceux qui se sont tus avec la peur de transpirer, à ceux avec qui nous avons regagné l’asile urbain et que les massacres de la jungle habitent encore la couenne…Aux vivants de demain et à l’aujourd’hui fatale ! » Tels sont les mots qui ouvrent ce livre et embarque le lecteur vers un voyage violent où l’horreur, la trahison, la peur et l’inconstance se côtoient.
Dieudonné n’y est donc pas allé par le dos de la cuillère ! « Souvenirs des années de guerre » est comme une traversée sans retour au plus sombre de l’humain, car l’auteur y retrace les atrocités des années de guerres civiles de 1993, 1997 et 1998 au Congo-Brazzaville. Evidemment les mots sont virulents et parfois insoutenables. Dieudonné déverse les mots par vagues, par jets, ce qui amplifie au fil des pages la tension du lecteur, vu que chaque partie raconte une nouvelle histoire, toujours aussi poignante que la précédente. Conséquence des textes qui enferment fureur et souffrance, juste émaillés par d’hilarantes scènes qui adoucissent le ton de cet ouvrage.
Composés de 339 pages, ces récits (qui pour la plupart ont connu un grand succès sur les planches, comme Les inepties volantes, Pati, Patatra et des Tralalas, ou chiens écrasés, Carré blanc, La mort vient chercher chaussure, L’amant de la tempête pour ne citer que ces derniers) abordent la question de la survie, de la barbarie humaine ou l’auteur nous plonge dans l’horreur sans que l’on sache combien de temps durera ce cauchemar. Comment dire la fracture de la guerre, la fétidité pesante des cadavres, la haine qui se déchaîne ? Comment raconter la cruauté dont est capable l’homme ? Comment dire la morsure de la guerre, comment transmettre à ceux qui ne l’ont pas vécu dans leur chair et leur être cette barbarie ? Des questions auxquelles l’auteur cherche des réponses, car l’écriture, pour l’auteur, est un moyen de survie, une façon pour l’écrivain d’expulser ses fantômes.
AKM