LES CACHES MISERES DES AUTOCHTONES AU CONGO : CAS DE LA LEKOUMOU

Peu ventilée et exiguë, une unique pièce sert parfois de séjour, cuisine et chambre. Des conditions de vie pénible qui, à la longue, peuvent être néfastes pour la santé de ses occupants.

«  On a qu’une seule pièce ici, on  prépare et on mange sur place, et le soir, elle sert aussi de chambre à coucher » ; explique sans retenue mâ Hélène, les yeux rouges, avec des quintes pénibles de toux. Dans la hutte voisine, sur le mur d’entrée, bidons d’eau, sceaux et panier à provision reçoivent les visiteurs. A l’intérieur, une grande pièce sert de cuisine et de séjour et deux autres minuscules pièces servent de chambres à coucher sans ouvertures. « On vit ici à huit, mon mari et mes six enfants », explique une jeune mère visiblement fatiguée mais qui s’active dans des tâches domestiques, assistée par sa fille ainée alors que les plus jeunes regardent à travers les trous ce qui se passe à l’extérieur 

Mal entretenues, peu aérées,  peu de lumière  et parfois surpeuplées  (6 à12 personnes),  les occupants manquent souvent d’espace et d’intimité parce que ces constructions de fortune sont généralement exiguës et ne possèdent qu’une ouverture  pouvant à la longue provoquer des problèmes d’hygiènes  et des maladies comme l’a indiqué Henriette Kiboukou, Directrice Départementale de la Promotion des droits des peuples autochtones à Sibiti. « C’est inacceptable qu’encore aujourd’hui, des congolais vivent toujours dans ces conditions, ces personnes ont aussi droit à un logement décent»  a t- elle fait savoir, offusquée. 

A Mabembé comme à Mapati, Ngonako  et Indo, les autochtones vivent en général au début des villages, leurs logements construits avec des pailles, sont parfois dans un état de délabrement. A Mabembé, le spectacle est encore plus alarmant car on y accède par une piste sinueuse, simple ruban à peine visible dans les hautes herbes pendant la saison de pluie, et se situe à environ une heure de Sibiti.

Les autochtones sédentaires de ce village vivent dans les huttes endommagés par l’épreuve du temps et s’inquiètent peu de leur environnement, l’essentiel pour ces derniers est d’avoir un endroit où dormir sans aucun souci des conditions de vie saine.  C’est le cas d’Igor qui occupe une pièce qui lui sert  de séjour, de cuisine et de chambre. Une porte en lambeau laisse entrer la lumière. A droite, un petit matelas étroit, mal foutu et un bidon d’eau qui lui sert de table au chevet où il dépose quelques bricoles. A gauche, un monticule de fagot de bois recouvre tout un pan de mur, quelques ustensiles de cuisines et des produits alimentaires. «  Je n’ai pas de toilettes et pour faire mes besoins, soit je vais dans l’herbe, soit dans l’eau », a fait savoir le jeune homme qui n’a pas voulu dévoiler son identité.

Belvigie, mariée à Richard se plaint quant à elle du manque d’intimité : « Nous sommes trois épouses et dix enfants dans une maison de trois pièces dont deux chambres. Par chance on ne vit pas tous ici au même moment, quand je suis en brousse, mes deux rivales viennent me remplacer». Femme bantu, elle a décidé malgré les conditions difficiles de vie de son époux, de vivre au grand jour son amour avec Richard, un autochtone.

Zoom sur Richard et Belvigie qui vivent leur amour au grand jour

Mbama Richard, autochtone de 39 ans, et MikeléTchimanouBelvigie, femme bantu âgée de 28 ans, ont bravé les interdits au grand dam de leur entourage pour vivre leur amour au grand jour. Une union qui a été consolidée par la naissance d’une petite fille.

« Lorsque j’ai accepté de vivre avec Richard, je savais bien que je me lançais dans une bataille. Si de son côté sa famille m’a rapidement adoptée, les Bantous du village Ngonaka, quant à eux n’appréciaient pas cette relation », a informé MikeleTchimanouBelvigie, originaire de Mossendjo qui a dû au quotidien faire face aux insultes et parfois  même aux menaces de la part des Bantous. Des agissements qui auraient pu affaiblir le couple, heureusement qu’au finish, ils ont renforcé leur amour comme l’a fait noter Belvegie : « Ce qui m’a tout de suite attirée chez Richard, c’est sa détermination à vouloir se battre pour notre amour». « On ne choisit pas qui on veut aimer, mais c’est le cœur qui nous guide », a fait savoir Richard qui, à son tour, a subi toutes sortes de réflexions dues à ses origines. « L’union entre homme autochtone et femme bantu est difficilement acceptée par nos communautés, ce qui signifie que l’amour seul ne suffit pas, il faut être fort dans sa tête pour ne pas succomber aux pressions », a souligné Richard qui n’arrive pas à comprendre cette hostilité du bantu à l’égard des autochtones. « Même les Blanches aujourd’hui se marient avec les Noirs», a-t-il déclaré en colère.

À plus d’une heure de Sibiti,  Ngonaka est un village paisible où autochtones et Bantous cohabitent plus ou moins bien. S’ils utilisent les mêmes forets, les mêmes écoles et parlent la même langue, les autochtones ont toujours autant de mal à s’intégrer, car beaucoup de Bantous les considèrent comme leurs esclaves et les mariages mixtes sont toujours tabous au sein des communautés. En effet, si les parents de Belvegie ne se sont pas opposés à leur union, son entourage, quant à lui, n’a pas accepté cette union facilement comme en témoigne Richard : « Je crois que c’est le destin qui nous a réunis pour montrer à nos communautés qu’en amour il n’y a ni de race ni de couleur». Victimes de préjugés non fondés, les couples qui osent comme Richard et Belvegie ont dû se battre contre vents et marées  (rigidité des familles et de l’entourage, difficultés à faire cohabiter les croyances),  pour consolider leur union face aux pressions de leur entourage.

Une vie pleine de rebondissements

Rien ne présageait Belvegie à s’unir avec Richard. Ils se rencontrent pour la première fois à Mossendjo et, dès lors, c’est le coup de foutre entre les deux tourtereaux. Si les amis ont du mal a accepté leur liaison, les parents leur ont donné la bénédiction. «C’est Richard qui m’a soigné alors que j’étais gravement malade. Ce sont mes parents qui l’ont appelé puisqu’il est guérisseur », a fait savoir Belvegie qui a su, dès les premiers instants, que Richard serait l’élu de son cœur et n’a émis aucune réticence quand celui-ci a commencé à lui faire la cour. Les deux tourtereaux décident très vite de vivre au grand jour leur amour, chose qui heurte certaines personnes de leur entourage notamment les amis de Belvigie qui décident de ne plus l’approcher. Même si cela lui fait mal, elle décide néanmoins de tenter sa chance même si cela n’est pas vu d’un bon œil par son entourage. « Des jeunes couples osent vivre au grand jour leur amour avec ou sans l’approbation de leurs parents, mais ce n’est malheureusement pas facile »  a fait noter Moutou Raissa, femme d’un certain âge. Enfin, si Belvegie a réussi a dépassé ces clivages culturels, Richard reste sur ses gardes. « Les Bantous ne sont pas encore prêts à voir des couples mixtes, notamment femme bantou et homme autochtone. Et à l’allure où vont les choses, je crains que nos enfants continuent de subir les mêmes discriminations » a fait savoir Richard qui rêve de convoler en terrain neutre comme au Gabon, car « là-bas au moins, les mentalités ont évolué

Annette Kouamba Matondo

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